vendredi 28 mai 2010

Un Juif pour l'exemple - Jacques Chessex


Dans ses livres, ce grand auteur suisse (disparu en 2009) mêle à des thématiques très sombres, de l’érotisme parfois, une spiritualité quasi ésotérique souvent (le dernier en date porte sur le marquis de Sade). J’avais apprécié Le vampire de Ropraz, j’ai donc voulu lire Un Juif pour l’exemple qui use du même procédé : un fait divers historique, la Suisse et surtout la terrible inhumanité des hommes.

Jacques Chessex narre un épisode advenu dans sa région natale alors qu’il était âgé de huit ans. En 1942, à Payerne, « ville des charcutiers » plutôt cossue dont l’emblème est un cochon, une bande de nazillons, tous fascinés par Hitler et adhérents au parti extrémiste suisse, s’agite. Ils veulent faire un coup d’éclat, pour impressionner le NSDAP qui créerait une cellule dans leur région, que dirigerait bien sûr leur leader Fernand Ischi. Dans ce but, ils décident d’exécuter – à leurs yeux, de « sacrifier » – un Juif : le choix se porte sur Arthur Bloch, marchand de bestiaux qu’ils « tueront comme un cochon », et effectivement les détails donnent la nausée.
Les meurtriers sont assez rapidement découverts et jugés en 1943 : ils ne montrent, évidemment, aucun regret et revendiquent fièrement leur monstrueux assassinat. Ils se vantent même d’avoir établi une liste de leurs prochaines victimes.
Dans plusieurs entretiens, Jacques Chessex raconte à ce propos que son père, président du Cercle démocratique (farouchement antinazi), était deuxième sur cette liste. Profondément marqué par cette histoire, il ressentait le besoin de s’en faire l’écho. Et c’est ce qu’il fait dans ce récit, en décrivant les événements et le mental des protagonistes, et en questionnant la notion même de « mal ».
Dans la restitution de toute cette horreur, la justesse du ton des propos extrémistes peut mettre le lecteur mal à l’aise. On est tenté de reprocher à l’auteur de leur donner une tribune, mais ce n’est évidemment pas le cas : dans les derniers paragraphes, Chessex explique clairement sa posture. Parallèlement à la narration, il s’interroge sur la question de l'horreur et convoque pour cela Jankélévitch (là, j’ai un peu décroché, il faut l’avouer), expliquant la difficulté à parler de ces monstruosités « authentiques ».

Bref, un texte court, extrêmement littéraire (style brillantissime mais difficile) et terriblement puissant.


Un Juif pour l’exemple, Jacques Chessex (Grasset, 112 pages, 2009)

mardi 25 mai 2010

L’histoire de Chicago May - Nuala O'Faolain


L’histoire de Chicago May : des critiques enthousiastes quasi unanimes, un prix littéraire (le Femina étranger en 2006)… résultat : trois ans que je pense à le lire. Et, chaque fois, même réaction en librairie : je (re)lis la quatrième, feuillette l’ouvrage… et le repose sur son étagère. Il faut parfois savoir faire confiance à son instinct : et pourtant, le bravant, je finis par commencer la lecture de ce livre de Nuala O’Faolain.
Fascinée par le destin de Chicago May, qu’elle découvre un peu par hasard, la romancière décide d’en écrire l’histoire et témoigne de cette quête en parallèle du récit.

« Chicago May », née May Duignan, quitte son Irlande natale pour les États-Unis en 1890. C’est le début d’une vie d’aventurière : prostituée, voleuse, arnaqueuse, girl dans une revue, braqueuse de banque… elle connaîtra les bouges minables de New York, les grands hôtels, la prison, et au final la déchéance. Cette femme d’un autre temps a effectivement une histoire hors du commun – où les hommes et l’argent tiennent une grande place. Mais je suis restée à l’extérieur : comme insensible à l’intérêt que Chicago May suscite chez Nuala O’Faolain, ou plutôt insensible au traitement que la romancière en offre. Car, si l’on considère ce destin tortueux, le récit est en fin de compte assez plat. À trop vouloir être exhaustif, consciencieux, le texte est pesant et assez ennuyeux. Et l’écriture.
Bref, une grande déception : pour la première fois depuis longtemps, j’ai failli ne pas finir un livre (et je l’ai fait… mais en grandes diagonales). Je continue à me demander si je suis passée à côté d’un grand texte, et de son auteur…


L’histoire de Chicago May, Nuala O’Faolain (Sabine Wespieser, 448 pages, 2006 /
10/18, 400 pages, 2008)
Traduit de l'anglais (Irlande) par Vitalie Lemerre

jeudi 20 mai 2010

Seul le silence - R.J. Ellory


Par quoi commencer ? Après trop d’hésitations, ce sera le dernier livre que j’ai offert, parce que beaucoup aimé : Seul le silence de R. J. Ellory (non, je n'ai pas fait de faute de frappe, ce n'est pas Ellroy).

Dans ce roman noir, Joseph Vaughan revient sur l’affaire criminelle qui le hante depuis plus de trente ans : une série de meurtres de fillettes dont il a découvert le premier corps, atrocement mutilé, à l’âge de douze ans. Aux souvenirs liés au sort fait à ces enfants, se mêlent ceux de l’adolescence de Joseph : sa vie seul avec sa mère veuve, les rumeurs de la Seconde Guerre mondiale dans son petit bourg de Georgie, ses débuts prometteurs comme écrivain précoce encouragé par la jeune institutrice, ses premiers émois, etc.
Après des années d’enquêtes infructueuses, le coupable est désigné et Joseph, touché à nouveau de bien trop près par ces horreurs, part démarrer une nouvelle vie à New York. Le sort continue à s’acharner et, longtemps après, alors qu’il comprend que rien n’était élucidé, Joseph retourne dans sa région natale, sur les traces du monstre qui l’a hanté, jusqu’au dénouement final libérateur.

D’habitude, j’aime bien les bons polars (on est d'accord qu'il ne s'agit donc pas de Mary Higgins Clark et autres) : ils me font le même effet qu’une série télé réussie, ils me captivent et me détendent plus facilement. Ici, il ne s’agit pas d’un simple polar, mais de « vraie » littérature… qui accessoirement est policière. L’écriture est formidable : ample, elle se déploie et happe le lecteur, tout comme l’histoire qui maltraite son héros et maltraite le lecteur. Bref, Seul le silence m’a bouleversée, et j’ai adoré.


Seul le Silence, R. J. Ellory (Sonatine, 500 pages, 2008)
Traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Fabrice Pointeau

mercredi 19 mai 2010

Un blog de plus...


Un blog… un de plus ? Pourquoi ? et pourquoi pas en fait ?... Pour parler livres – surtout – mais aussi ciné, théâtre, concerts, etc.
Pas sûre que ce soit pour être lue : mais tant qu’à écrire mes observations, autant qu’elles puissent (éventuellement peut-être on ne sait jamais !) trouver quelque utilité …
Le défi est grand : faire de mes vagues impressions, une « critique », en tout cas un petit texte intelligible, si ce n’est intelligent…
C'est parti !