mardi 29 novembre 2011

Une heure de silence - Michael Koryta


Cinquième roman de la sélection du Prix Seuil Policiers (et merci encore au Seuil et à Babelio), Une heure de silence est plus convaincant que les trois précédents (Losers nés, Les Neuf Dragons et Intrusion) mais n’est pas étonnant pour autant. Raisonnablement efficace.

On y suit Lincoln Perry, ex-flic devenu détective privé à Cleveland, momentanément délaissé par son associé Joe Pritchard, en convalescence à Miami. Un lien très fort unit les deux hommes – lien qu’on comprendrait probablement mieux, tout comme certaines allusions au passé de Perry, en ayant lu les précédents épisodes. Peut-être en aurais-je davantage apprécié ma lecture ? On accordera le bénéfice du doute à Michael Koryta. Quoi qu’il en soit, la compréhension de l’intrigue n’en est pas affectée.

Lincoln est contacté par Parker Harrison, un ancien détenu qui veut l’engager pour retrouver Alexandra et Joshua Cantrell, disparus brusquement douze ans auparavant. Le couple l’avait accueilli après la prison à « La Crête aux murmures », leur maison transformée en centre de réinsertion, et l’avait remis sur le droit chemin. Plus particulièrement Alexandra, qui croyait profondément à son entreprise de réhabilitation.
Condamné pour meurtre, Parker inspire instinctivement la méfiance à Lincoln et joue sur la culpabilité que cela provoque chez le détective pour le convaincre de prendre l’affaire.

Cette dernière est bien moins simple qu’il n’y paraît : Alexandra se révèle appartenir à une grande famille de la mafia, et Joshua se révèle… mort. Ses restes viennent d’être découverts. Quand Lincoln apprend que Parker était au courant, il décide, furieux, de laisser tomber.
Mais l’arrivée et la force de conviction d’un détective engagé par les parents de Joshua lors de sa disparition, l’attitude étrange de Parker, la crispation des policiers en charge du dossier finissent par embarquer Lincoln dans une dangereuse enquête.

Le résumé (ce n’est que le début) est alléchant mais, malheureusement, la suite l’est un peu moins. Michael Koryta fait miroiter une intrigue savante à son lecteur qui ne peut qu’être déçu par tant de circonvolutions pour un schéma finalement assez banal. Comme un soufflé qui retombe. Les innombrables rebondissements et fausses pistes permettent toutefois d’entretenir l’intérêt du lecteur. Mais on regrettera la rythmique trop métronomique, les ficelles trop apparentes.
Point positif : la plupart des personnages sont ambivalents, et marqués par de réelles failles – Lincoln est ainsi un antihéros plutôt attachant.

Une heure de silence assure le minimum syndical : une écriture efficace, du suspense, des personnages tourmentés qui compense une intrigue bancale.
Le roman fonctionne et offre un moment de lecture pas désagréable, mais, dans cette sélection Prix Seuil Policiers, je recommanderais d'abord Les leçons du mal.


Une heure de silence, Michael Koryta (Seuil, 368 pages, 2011)
Traduit de l’anglais (États-Unis) Frédéric Grellier




jeudi 17 novembre 2011

Un été sans les hommes - Siri Hustvedt


Les deux précédents romans de Siri Hustvedt, Élégie pour un Américain et Tout ce que j’aimais, m’ont enthousiasmé – mais sans me convaincre totalement. Elle y fait parler des hommes ; c’est probablement pourquoi je n’ai pu m’empêcher de chercher les éléments d’autofiction dans cet Un été sans les hommes emmené par une narratrice. Je le précise car mes impressions de lecture n’y sont pas étrangères. Même si, on le sait, là n’est pas l’important.

Mia, poétesse new-yorkaise dans la cinquantaine, disjoncte littéralement quand elle apprend que son mari Boris, neuroscientifique réputé, entretient une liaison avec une jeune française – ce qui a son importance car la caricature de la femme légère ne nous est pas épargnée.
Après un bref séjour à l’hôpital psychiatrique, qui l'effraie plus qu'il ne la calme, Mia part se réfugier dans son Minnesota natal. Elle y loue une petite maison, non loin du centre pour personnes âgées où vit sa mère, octogénaire, entourée de ses pétillantes et vieillissantes amies. Pour occuper cet été de « retraite », elle entreprend de donner des cours d’écriture – suivi par six jeunes adolescentes.

Certes quelques stéréotypes, on l’a déjà mentionné, et un indéniable – et exaspérant – côté Madame-je-sais-tout qui a tellement pris de hauteur, de recul, par rapport à son frétillant et volage mari. Sinon, comme l’indique le titre, une histoire de femmes (et de filles) d’âges et de « niveaux » de maturité différents : les préadolescentes influençables, si cruelles sans le comprendre, parfois insupportables mais aussi très attendrissantes ; la jeune fille devenant femme qu’incarne Daisy, la fille comédienne de Mia et Boris, venue rendre visite à sa mère ; la trentenaire, Lola, voisine estivale de Mia, qui s’ennuie seule avec ses enfants ; Mia elle-même, la femme mûre qui fait un point sur sa vie ; et tout un panel de femmes âgées qui souvent (re)découvrent la liberté à ce stade de leur existence… L’enfance aussi avec les enfants de Lola ; et la mort rôdant autour de ces drôles de vieilles dames, qui en ont fait une sorte de compagne pour vivre avec joie leurs dernières années.
Ce sont d’ailleurs les personnages les plus savoureux : je vous laisse découvrir les ouvrages au crochet de l’une d’entre elles…

À travers ces portraits lucides, la narratrice dépeint avec finesse les différents stades de la vie d’une femme. Dommage qu’elle traite un peu trop d’elle-même : les aspects autocentrés sont lassants voire irritants, les quelques dessins sans aucun intérêt…
Un été sans les hommes aurait gagné à davantage s’appesantir sur la galaxie de femmes qui entoure Mia, et moins sur cette dernière, mais le roman reste très plaisant et offre une vision intelligente et perspicace de la gent féminine…
Je ne connais que partiellement l’œuvre de Siri Hustvedt, mais je conseillerais davantage Tout ce que j’aimais pour la découvrir.


Un été sans les hommes, Siri Hustvedt (Actes Sud, 220 pages, 2011)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Le Bœuf