Stephen Carter reprend ici le cadre de son premier roman Échec et mat (l'université d'Elm Harbor, petite ville de Nouvelle-Angleterre) et deux de ses personnages secondaires : Lemaster Carlyle, ancien conseiller du président des États-Unis – à noter que l’auteur le fut auprès de Bill Clinton) et président de l'une des plus prestigieuses universités d'Amérique ; et sa femme Julia, doyenne et vice-présidente de la faculté de théologie. Tous deux forment un couple très en vue, souvent jalousé, et vivent dans le quartier huppé – blanc – d'Elm Harbor.
Un soir, en rentrant d'une réception, ils découvrent le cadavre de Kellen Zant, économiste réputé, ancien amour de Julia et rival fréquent de Lemaster. Bien malgré elle, Julia se retrouve peu à peu à mener l’enquête sur ce meurtre et à fouiller un passé vieux de trente ans qui implique son mari et ses amis de jeunesse – l’actuel occupant de la Maison Blanche et le sénateur briguant le prochain mandat.
Dans ce second roman, Carter poursuit son étude de la communauté afro-américaine, ou plutôt de ses élites intellectuelles et financières, et surtout de leurs contradictions : une volonté farouche de défendre les droits de l’«obscure nation » et pourtant une vie quotidienne plus proche des Blancs.
Par le biais d’une quête de la vérité, c’est de politique et de problématiques raciales dont il est question : les méandres du pouvoir, l’amabilité de façade de certains Blancs pour les Noirs puissants comme les Carlyle, la permanence des idées reçues…
J’ai dévoré ces 900 pages brillantes et passionnantes, comme je l’avais fait pour Échec et mat – dans lequel j’ai bien envie de me replonger. Très bien écrit, extrêmement intelligent, c’est autant un roman-document à la Tom Wolfe qu’un roman policier.
L’auteur en semble conscient d’ailleurs et c'est comme s'il introduisait certains passages uniquement pour respecter les « codes » du polar : une intrigue terriblement alambiquée (on finit par s’y perdre quand on lit, comme moi, un peu trop vite), des scènes d’action sans grand intérêt (peu nombreuses, heureusement) et un dénouement haletant et spectaculaire. Dommage, car on préfèrerait des rebondissements plus sobres.
Mais l’ensemble reste un formidable et captivant roman de société.
La Dame noire, Stephen Carter (Robert Laffont, 656 pages, 2009 /
Pocket, 912 pages, 2010)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Bernard Cohen
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