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mardi 20 mars 2012

Quelques conseils...


Très peu de temps ces derniers mois, des billets qui s'espacent de plus en plus, et pourtant de belles lectures que j'aurais envie de partager ! Alors, les voici pêle-mêle avant d'y revenir plus en détails :

- Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan : je l'ai déjà dit ci et là, les succès trop unanimes me font plutôt peur, mais celui-ci est plus que mérité, malgré quelques coquetteries d'autofiction. Ma dernière « claque » littéraire en date. Vraiment.

- Par un matin d’automne, Robert Goddard : sur fond de Premier Guerre mondiale, un récit mené avec brio, rocambolesque à souhait mais à dévorer par un dimanche pluvieux.

- Lila, Lila, Martin Suter : séance de rattrapage pour ce très bon roman de mon chouchou Martin Suter (à découvrir ici, , , et encore ).

- Vents contraires, Almudena Grandes : profitant du succès du formidable Cœur glacé, ce texte antérieur vient de paraître en poche. Un beau roman, plus profond que ne le laisse croire la quatrième, qui sait nous emporter malgré ses petits défauts.

- Les Revenants, Laura Kasischke : un campus américain, des étudiants moins sages qu’il n’y paraît et d’autres moins superficiels qu’ils ne veulent le montrer, des morts étranges, des professeurs tourmentés, et une réalité aux frontières mouvantes… Un grand Laura Kasischke.

- L’appât, José Carlos Somoza : l’auteur de la fascinante Théorie des cordes sait toujours aussi bien mêler polar savant et anticipation dans un futur qui nous est proche mais relève pourtant de la science-fiction. Une imagination sans bornes qui fait froid dans le dos.

- Un roman américain, Stephen Carter : on retrouve tous les éléments d’Échec et mat et de La Dame noire dans ce « préquelle » commençant dans les années cinquante. Suivant Eddie Wesley, romancier noir inventeur ici de l'expression « obscure nation », ce polar politique balaie une vingtaine d’années de l’histoire américaine – mais le lecteur des deux précédents opus sera peut-être déçu au final car l’auteur peine à renouveler son propos et ses mécaniques.

- Le Pacte, Lars Kepler : du polar scandinave efficace. Rien d’exceptionnel mais ça fonctionne.

- Les ignorants, Etienne Davodeau : et pour finir une BD narrant un an des échanges entre l’auteur et le vigneron Richard Leroy, chacun faisant découvrir à l’autre son univers. Au programme, passion de son métier, amour de la terre et richesse humaine.



À très vite et d'ici là, belle lectures !


jeudi 9 février 2012

Le Turquetto - Metin Arditi


Un joli (et surprenant) coup de cœur que ce Turquetto, de Metin Arditi – découvert grâce encore (après Les oreilles de Buster) au prix Pages des libraires. Surprenant car je me suis lancée sans être bien emballée : les romans historiques ne m’attirent pas spécialement – pas assez ancré dans leur temps, ou trop tout au contraire. Et pourtant l’Histoire m’a toujours beaucoup intéressée, allez savoir ! Mais là, l’enthousiasme des libraires et les thématiques (Constantinople, Venise, l’histoire de l’art, la peinture, les rapports religion/art…) du Turquetto ont fini par vaincre mes hésitations.

Le roman s’ouvre par une note sur L’Homme au gant, un tableau du Titien (dont un détail est reproduit en couverture) exposé au Louvre, dont voici un extrait :

La signature apposée au bas de la toile, TICIANUS, toute en majuscules, semble peinte de deux couleurs différentes. […] La différence de couleur n’est pas criante, mais elle est indiscutable. En 2001, […] frappé par l’anomalie de la signature, l’historien de l’art chargé de l’accrochage a pris sur lui de procéder à une analyse. Le résultat de cette recherche […] « Tout porte à penser que la signature a été apposée en deux temps, par deux mains différentes, et dans deux ateliers distincts. »

Tout un programme ! Je suis d’ailleurs (après avoir fini ma lecture) allé vérifier cela, mais je vous laisse découvrir (ou pas !) si l’anecdote est véridique – ce qui ne compte pas beaucoup au final pour apprécier ce très beau roman.

Fils de réfugiés juifs espagnols, Elie Soriano naît à Constantinople en 1519. Passionné, bravant les interdits religieux (et familiaux), l’enfant passe son temps à dessiner, et sa plume est sûre. Celui que l’on surnomme « le petit rat » à cause de son visage sait représenter, amplifier, magnifier ses modèles. On le découvre dans les rues de Constantinople, furetant de-ci de-là, raillant son père, vieil employé d’un marchand d’esclaves, découvrant la fabrication des encres auprès d’un maître musulman, subissant l’injure quotidienne du ghetto… Le jeune garçon est brusquement poussé à l’exil et embarque pour Venise où il va commencer une nouvelle vie sous le nom d’Elias Troyanos – un chrétien ayant fui l'empire ottoman.
Toujours aussi brillant et intuitif, Elias parvient à travailler dans les ateliers du « Maître », le grand Titien, assure son trait, expérimente les couleurs et le sfumato, apprend le métier et obtient petit à petit des commandes en son nom. Celui que Titien a surnommé le Turquetto, « petit Turc », se construit une carrière, installe sa famille et prospère en pratiquant ce qu’il aime le plus…
Mais un malheureux enchaînement d’événements et la réalisation pour une importante congrégation religieuse d’un tableau exceptionnel – une immense Cène dont je ne vous dévoilerai pas l’originalité – vont le jeter entre les mains de l’Inquisition et le mener sur un tout autre chemin.

La magie de la peinture et de l’époque, la finesse de l’écriture, le talent de Metin Arditi pour faire vivre ses personnages et ses décors, m’ont totalement emportée – et pour une fois l’expression n’est pas galvaudée. Puissance de la religion, liens entre l'art et le pouvoir, histoire d'une passion, questionnement autour de la filiation… Malgré les petites imperfections du récit (un début un peu lent, une fin qui ne me convint qu’à moitié), j’ai véritablement adoré Le Turquetto. Et, pour preuve, je me suis empressée de me renseigner sur les autres romans de Metin Arditi…



Le Turquetto, Metin Arditi (Actes Sud, 288 pages, 2011)

lundi 23 janvier 2012

Les oreilles de Buster - Maria Ernestam


« J’avais sept ans quand j’ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept ans quand j’ai finalement mis mon projet à exécution » : le début des Oreilles de Buster me faisait craindre un roman sombre de bout en bout, voire glauque. Mais on m’en avait dit tant de bien (les libraires lui ont d’ailleurs décerné le prix Page cet automne) qu’il me fallait le découvrir ; et grand bien m’en a pris !

C’est Eva l’auteur de cette terrible première phrase. Eva qui, elle, est loin d’être terrible : elle semble plutôt indifférente, comme « en dehors », mystérieuse peut-être, ambivalente probablement. Pour ses cinquante-six ans, sa petite-fille lui offre un journal intime et, en grand-mère attentionnée, Eva entend bien utiliser ce présent. Elle qui ne s’est jamais véritablement livrée se met à noter ses pensées le soir venu, prise d’insomnie. Et le flot des souvenirs, l’envie (le besoin ?) de raconter l’emportent.

Car il y a beaucoup à dire pour expliquer la terrible première phrase de ces confessions. Eva revient sur son enfance entre une mère trop moderne, originale et capricieuse, faite ni pour le mariage ni pour la maternité… Et sur ce père, si mal assorti à sa flamboyante épouse, tentant vainement de maintenir l’illusion d’un couple, d’une famille unie et heureuse.
Dans son journal devenu une véritable drogue nocturne, Eva fait revivre l’enfant qu’elle a été, la carapace qu’il lui a fallu se construire peu à peu, l’adolescente tiraillée…
En parallèle, elle confie aussi ses préoccupations d'aujourd’hui : les méchancetés d’Irène, vieille femme sénile, sorte de double expiatoire de sa mère ; sa propre fille qui se plaint d’avoir été « trop » aimée, jamais contrariée alors qu’elle n’attendait que cela ; et Sven, bien entendu, le compagnon de sa vie si bien réglée.
Une vie dont Eva, renouant avec les douleurs enfouies, dévoile progressivement l’envers et fendille le vernis.

Dans une prose très fluide et joliment juste, Maria Ernestam construit son récit avec brio, fascine le lecteur par cette mère odieuse, cette jeune fille à la fois fragile et résolue à être forte, par la femme apparemment sereine qu’elle est devenue… Eva est quant à elle finement dépeinte, tantôt candide, tantôt perverse – à l’image de ces Oreilles de Buster à la symbolique édifiante.
Un roman psychologique surprenant, dont l’atmosphère est assez difficile à décrire. Certains seront probablement déconcertés, voire rebutés par ce mélange de naïveté et de dureté. Moi, il m’a captivé en tout cas !


Les oreilles de Buster, Maria Ernestam (Gaïa, 416 pages, 2011)
Traduit du suédois par Esther Sermage


mercredi 18 janvier 2012

Famille modèle - Eric Puchner


Suite de mon rattrapage de la rentrée littéraire 2011 avec Famille modèle, un premier roman détonant : puissant, étrange, désespéré… Mais avec un petit quelque chose en trop qui m’a laissée songeuse.

Warren Ziller – on l’apprend dès les premières lignes – est complètement ruiné et tente dans un espoir vain, bien entendu, de le cacher : la grosse Chrysler aurait été volée dans le garage même de leur banlieue cossue, l’enlèvement des anciens meubles aurait malencontreusement précédé la livraison des nouveaux, etc. Agent immobilier, Warren a suivi les conseils d’un ami et fait déménager son épouse Camille et leurs trois enfants de leur tranquille Wisconsin vers l’Eldorado californien ; et ce, pour investir dans un projet de condominium en plein désert. Projet qui s'est avéré catastrophique et a englouti toutes leurs économies – même celles pour l’université de leur aîné, qu'il est censé commencer dans quelques mois.

Plus que ses manœuvres risibles pour cacher les faits, ce sont les portraits des trois enfants, de Camille, les écarts entre chacun creusés par les années, les méandres de l’adolescence, les particularités du benjamin, qui rendent le texte particulièrement savoureux et explosif. Parce que, c’est vite évident, le titre du roman a tout de l’antiphrase : la famille Warren est bien loin d’une Famille modèle.
Le lecteur se demande avec délectation (ou angoisse, c’est selon) comment le fragile secret va finir par être éventé, car c’est inévitable. Et, bien sûr, après maintes péripéties des uns et des autres, cela fini par se produire.
Pour autant, la famille Ziller est loin d’être au bout de ses peines – nous sommes tout juste à la moitié du roman – et un terrible accident va faire basculer le récit dans un désespoir bien plus rude. Certes, toujours sur le ton de la tragicomédie, mais le goût est devenu amer.

Avec un cynisme virtuose, Eric Puchner dégomme point par point le rêve américain dans la première partie, pour ensuite approfondir certains aspects et faire évoluer ses personnages dans une tout autre direction. Mais, à la longue, j'ai fini par trouver l’ensemble trop pesant, les héros trop accablés, les mécanismes répétitifs. J’aurais eu envie d’un peu d’optimisme, de chance, de joie – un tout tout petit peu… Et pourtant, j’adore cet humour grinçant ! Là est mon hésitation.

Le texte n’en est pas moins brillant, vif, sans concession pour les personnages. Eric Puchner signe (après un recueil de nouvelles remarqué) avec Famille modèle un premier roman très maîtrisé, drôle, explosif et terrifiant à la fois.
Alors, si vous aimez les récits caustiques, que le rêve américain vous fait doucement rire, que vous ne cherchez pas une lecture réconfortante, Famille modèle est à découvrir. Mais gardez-vous de trop d'empathie, vous aurez été prévenu !


Famille modèle, Eric Puchner (Albin Michel, 544 pages, 2011)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par France Camus-Pichon


mardi 29 novembre 2011

Une heure de silence - Michael Koryta


Cinquième roman de la sélection du Prix Seuil Policiers (et merci encore au Seuil et à Babelio), Une heure de silence est plus convaincant que les trois précédents (Losers nés, Les Neuf Dragons et Intrusion) mais n’est pas étonnant pour autant. Raisonnablement efficace.

On y suit Lincoln Perry, ex-flic devenu détective privé à Cleveland, momentanément délaissé par son associé Joe Pritchard, en convalescence à Miami. Un lien très fort unit les deux hommes – lien qu’on comprendrait probablement mieux, tout comme certaines allusions au passé de Perry, en ayant lu les précédents épisodes. Peut-être en aurais-je davantage apprécié ma lecture ? On accordera le bénéfice du doute à Michael Koryta. Quoi qu’il en soit, la compréhension de l’intrigue n’en est pas affectée.

Lincoln est contacté par Parker Harrison, un ancien détenu qui veut l’engager pour retrouver Alexandra et Joshua Cantrell, disparus brusquement douze ans auparavant. Le couple l’avait accueilli après la prison à « La Crête aux murmures », leur maison transformée en centre de réinsertion, et l’avait remis sur le droit chemin. Plus particulièrement Alexandra, qui croyait profondément à son entreprise de réhabilitation.
Condamné pour meurtre, Parker inspire instinctivement la méfiance à Lincoln et joue sur la culpabilité que cela provoque chez le détective pour le convaincre de prendre l’affaire.

Cette dernière est bien moins simple qu’il n’y paraît : Alexandra se révèle appartenir à une grande famille de la mafia, et Joshua se révèle… mort. Ses restes viennent d’être découverts. Quand Lincoln apprend que Parker était au courant, il décide, furieux, de laisser tomber.
Mais l’arrivée et la force de conviction d’un détective engagé par les parents de Joshua lors de sa disparition, l’attitude étrange de Parker, la crispation des policiers en charge du dossier finissent par embarquer Lincoln dans une dangereuse enquête.

Le résumé (ce n’est que le début) est alléchant mais, malheureusement, la suite l’est un peu moins. Michael Koryta fait miroiter une intrigue savante à son lecteur qui ne peut qu’être déçu par tant de circonvolutions pour un schéma finalement assez banal. Comme un soufflé qui retombe. Les innombrables rebondissements et fausses pistes permettent toutefois d’entretenir l’intérêt du lecteur. Mais on regrettera la rythmique trop métronomique, les ficelles trop apparentes.
Point positif : la plupart des personnages sont ambivalents, et marqués par de réelles failles – Lincoln est ainsi un antihéros plutôt attachant.

Une heure de silence assure le minimum syndical : une écriture efficace, du suspense, des personnages tourmentés qui compense une intrigue bancale.
Le roman fonctionne et offre un moment de lecture pas désagréable, mais, dans cette sélection Prix Seuil Policiers, je recommanderais d'abord Les leçons du mal.


Une heure de silence, Michael Koryta (Seuil, 368 pages, 2011)
Traduit de l’anglais (États-Unis) Frédéric Grellier




mardi 25 octobre 2011

Intrusion - Natsuo Kirino


Quatrième livre dans le cadre de la sélection du Prix Seuil Policiers (après Les leçons du mal, Losers nés et Les Neuf Dragons). La couverture m’a fait imaginer un thriller puissant, une atmosphère angoissante… Mais, disons-le dès maintenant, je dois avoir trop d’imagination.

L’éditeur évoque « une histoire d’amour, un roman policier littéraire, et une réflexion philosophique sur le rapport réalité-fiction »… Je ne suis pas totalement emballée par le résumé mais, en revanche, j’ai très envie de découvrir un exemple de la littérature japonaise – que je connais très peu.

Tamaki Suzuki, jeune romancière en vogue, a vécu une longue liaison adultère avec son éditeur Seiji Abé. Leur rupture, très douloureuse pour tous deux, a perturbé, voire détruit, leurs foyers respectifs. Un an après, Tamaki ne s’en est toujours pas remise. Intrusion croise les souvenirs de la jeune femme et ses réflexions autour de son nouveau projet littéraire, clairement le fruit de son état affectif. Son prochain roman, Inassouvi, sera ainsi une enquête sur le grand écrivain Mikio Midorikawa et sur son best-seller, Innocent, récit autobiographique qu’il revendiquait aussi riche de fiction… Tamaki veut résoudre LE mystère d’Innocent : qui est la fameuse O., maîtresse de Midorikawa ? Ce dernier relate longuement leur relation, sa découverte par son épouse Chiyoko, le cataclysme que cela a occasionné dans leur couple… Les critiques et lecteurs ont émis de nombreuses hypothèses sur l’identité de O., sur la part de fiction, et Tamaki entend bien résoudre ce mystère.

Beaucoup de romans dans le roman donc. Et les récits s’imbriquent à n’en plus finir. Tamaki raconte par anecdotes successives sa relation avec Seiji : pourtant, cette relation passionnée, exclusive et destructrice selon ses propos ne prend jamais véritablement corps – comme si Tamaki ne parvenait pas à nous convaincre de sa force, et même de sa réalité. Le fait qu’elle évoque exclusivement cet aspect de sa vie y est probablement pour quelque chose : son mari et ses enfants n’apparaissent qu’une fois et ne paraissent pas très importants au final, les contingences de la vie quotidienne ne semblent pas avoir de prise sur elle.

Histoires d’amours et d’orgueils surtout. Et, malheureusement, beaucoup de ressassement, de répétions et de piétinement. Quant à « l’affaire O. », si on considère – en lecteur français qui y est habitué – Innocent comme de l’autofiction, il n’y a plus grand-chose à questionner et les interminables développements et interrogations philosophico-existentielles perdent tout intérêt. Enfin, l’enquête sur l’identité de O. n’est pas franchement passionnante. Là est censé être l’aspect policier du texte… mais je n’en ai vu aucun élément véritable.
Il est d’ailleurs dommage, selon moi, qu’Intrusion figure dans cette collection, car cela implique inévitablement certaines attentes chez le lecteur. Mon avis serait peut-être moins tranché si je l’avais abordé comme un roman, et non un roman policier. Car l’écriture est assez limpide et il y a de jolis passages.

Une déception donc.

Merci quand même à Babelio et au Seuil.

Intrusion, Natsuo Kirino (Seuil, 280 pages, 2011)
Traduit du japonais par Claude Martin



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