vendredi 22 octobre 2010

Le dernier des Savage - Jay McInerney


J’ai découvert Jay McInerney il y a une dizaine d’années, avec Trente ans et des poussières (1993) : roman générationnel du New York culturo-intellectuel de la fin des années quatre-vingts (que le héros travaille dans l’édition n’est certainement pas étranger à mon goût pour ce livre). Son recueil de nouvelles La fin de tout (2003) m'avait heureusement séduite, moi qui affectionne si peu ce genre littéraire. Je les ai relus et m'en suis certainement faits une impression plus mûre (mais toujours positive!) quand, en 2007, a paru La Belle vie, suite un peu faible de Trente ans et des poussières .
Il y a une évidente parenté avec Brest Easton Ellis – ce n’est pas pour rien qu’ils sont amis –, toutefois McInerney est à mon sens moins gratuitement trash, plus subtil, mais certainement aussi moins corrosif et dérangeant.
On m’avait souvent parlé de ce roman de 1997 comme d’un grand livre, il était temps de ma faire mon idée…

Le dernier des Savage, c’est Will, jeune sudiste rebelle et fortuné, dont le plus proche ami depuis l’université, Patrick Keane, tente de raconter le parcours. Né dans une famille du Sud profond, Will Savage a été élevé dans l’opulence, les coutumes pseudo aristocratiques et le conservatisme. Mais lui refuse cet univers, ces codes d’un autre temps, et vit au rythme de la contre-culture, des idées nouvelles et des modes. Vite accro aux drogues et à l’alcool, il se consacre à la musique – noire surtout –, lutte contre la ségrégation, fréquente les milieux interlopes et disparaît pendant des jours à la façon d’un Jim Morrison…
Patrick est tout l’inverse : issu d’un milieu modeste, son entrée à Yale est la promesse d'un avenir qu'il pense radieux, d’une vie bien au-dessus de celle de ses parents. Il fait tout en ce sens et s'évertue à coller au plus près des codes. Son rapport à Will n’est pas dénué d’ambigüités : à la fois fasciné par ce personnage un peu fou et par Savage père qui représente toute l’assise sociale vers laquelle il espère tendre un jour ; envieux des conquêtes féminines de Will mais peut-être en peu amoureux ; jaloux de sa liberté effrénée et exaspéré par ses inconséquences…
Leur attachement n’en reste pas moins fort et parvient à traverser les années et c’est le portrait de ces décennies troubles qui se dessine peu à peu, davantage encore que celui d’une étrange amitié.

Un roman bien plus rude qu’il n’y paraît au départ, où Jay McInerney se montre éminemment critique vis-à-vis de la société américaine, de son racisme, de ses faux-semblants et de ses clivages de tous ordres. Pour l'instant, le meilleur que j'ai pu lire de lui.


Le dernier des Savage, Jay McInerney (L’Olivier, 408 pages, 1997 / Points, 416 pages, 1999)
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Pierre Carasso et Jacqueline Huet


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