
Quant au deuxième roman de Carlos Ruiz Zafón paru en France, Le Jeu de l’ange, malgré de nombreuses critiques négatives – ou plutôt à cause d’elles –, j’ai voulu me faire ma propre impression.
L’histoire de David Martin tourne malheureusement vite en rond : le pseudo-pacte diabolique ne s’assume même pas comme tel, tout est terriblement attendu et le récit semble se déployer indéfiniment sur lui-même. Les petits défauts de L’Ombre du vent sont devenus ici énormes : le style est assez lourd, les intrigues stéréotypées, l’aspect fantastique bancal et l’ensemble bascule franchement dans le mélo.
Et pourtant, Zafón utilise les mêmes ingrédients que dans le précédent (y figure même les ancêtres de certains des personnages comme le libraire Sempere) : des livres, des histoires d’amour contrariées, Barcelone évidemment… Les mêmes ingrédients, mais moins savamment dosés. Résultat, je n’ai fait que survoler de nombreux passages et j’ai fini ma lecture avant tout par curiosité. Très décevant.
J’étais donc plutôt sceptique en ouvrant Marina.
Le schéma initial y est le même : un jeune homme (Oscar, adolescent de quinze ans) entreprend une quête à travers Barcelone. Oscar s'échappe souvent de son pensionnat pour se promener dans cette ville qu’il adore ;

Marina lui présente son père, German, et lui confie la triste histoire de ce peintre aujourd’hui malade et de sa défunte épouse. Oscar leur rend fréquemment visite et commence à s'attacher au fragile duo que forment le père et la fille.
Un jour, Marina emmène Oscar dans un vieux cimetière observer une femme voilée qui vient régulièrement sur une tombe énigmatique ornée d’un papillon noir.
Dans une atmosphère cette fois véritablement fantastique, les jeunes gens sont entraînés dans une sombre enquête, peuplée de créatures macabres. Ils remontent des décennies auparavant et lèvent le voile peu à peu sur une terrible tragédie, et sur ses conséquences dévastatrices.
Par maints aspects, le roman manque de maturité : trop de pistes et de questionnements ne sont pas repris (l’histoire de Marina et Ramon aurait mérité d’être plus développée), les personnages manquent de nuance, tout comme certaines situations. Une interview de Carlos Ruiz Zafón m’a récemment appris qu’il s’agissait de l’un de ses premiers écrits, conçu originellement pour la jeunesse : on comprend mieux la dynamique de Marina en sachant cela – et on est plus indulgent.
Mais l’écriture est efficace, la construction du roman enlevée, l’univers troublant, et l’intrigue sait susciter la curiosité. C'est pourquoi, malgré mes réticences avec ce type de fantastique (le « fantastique dans le réel », à l’opposé de ce que je qualifierais de fantastique « global », comme celui de Tolkien), Marina a été un très bon moment de lecture.
Du vrai romanesque.
Marina, Carlos Ruiz Zafón (Robert Laffont, 304 pages, 2011)
Traduit de l’espagnol par François Maspero
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