vendredi 27 mai 2011

Le Diner - Herman Koch


Paul Lohman, le narrateur, et son frère Serge dînent avec leurs femmes dans un resto chic et branché – chichiteux et hors de prix – d’Amsterdam.
Paul et son épouse Claire y vont à reculons : outre que les deux frères ne sont pas particulièrement proches, Serge est pressenti pour être le futur Premier ministre des Pays-Bas et, dès lors, sortir avec lui devient inévitablement une représentation.
On l’apprend très vite, autre chose leur fait redouter cette rencontre : ils doivent parler de leurs fils respectifs, Michael et Rick, récemment auteurs d’un acte odieux, de pure violence gratuite. La perspective de devoir mettre des mots sur cette situation et la possibilité d’un désaccord sur l’attitude adopter – que l’on ignore au début – crispent les deux couples.

Le roman dure le temps de ce dîner : apéritif, entrée, plat, dessert, digestif et addition. Et c’est le point de vue de Paul qui nous guide : on suit parallèlement une classique – mais mordante – discussion de dîner en ville, l’évolution de la problématique des deux garçons, mais aussi les digressions et souvenirs de Paul, ancien professeur mis à disposition pou avoir tenu des propos déplacés, qui viennent éclairer le tout.

Les remarques sur la bonne société néerlandaise sont savoureuses : vacances en France prétendument « authentiques », politiquement correct de rigueur, triomphe des bons sentiments, etc. Corollaire logique, les considérations morales du narrateur et le débat entre les quatre convives mettent de plus en plus mal à l’aise pour finir par être franchement dérangeants : jusque où aller pour protéger ses enfants ? comment et pourquoi justifier certains actes ? quand l’anti-politiquement correct rafraîchissant devient-il discours nauséabond ?
La première question ne me touche pas : et je me manque peut-être ainsi une dimension fondamentale de l’ouvrage – le parent qui « couvre », sauve, car l’enfant est jeune et ne se rend pas compte de ses actes, ou au contraire celui qui estime que c’est la punition et la compréhension de la gravité de ce qui a été fait qui sauveront l’avenir de cet enfant…

Au départ personnage agréable et fin (bien plus que son frère), Paul se dévoile et devient progressivement antipathique, tout comme sa femme. C’est pour dire : j’ai fini Le Dîner avec une certaine gêne, presque nauséeuse.
Mais le livre n’en est pas moins excellent – et c’est là le tour de force d’Herman Koch : férocement incorrect et critique, il nous questionne sur ce qui se dit et ce qui se fait, sur la morale et ses limites, sur la banalité du mal, sur l’authenticité des convictions de chacun…

Un très bon roman, intéressant, qui se dévore avec malaise mais à toute vitesse !


Le Dîner, Herman Koch (Belfond, 336 pages, 2011)
Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin


2 commentaires:

  1. Je viens de terminer "le dîner" en traduction française.
    J'ai eu du mal a rentrer dedans parce que l'auteur est trop bavard à mon goût. Mais dès le moment où l'on découvre l'acte dramatique et la manière dont des parents protègent leurs enfants jusqu'à devenir complices de leur acte criminel, le suspense est total : j'ai été à la fois choquée, séduite et complètement prise par le récit et les personnages, en trouvant des qualités théâtrales à l'écriture. Vers la fin je me suis interrogée sur l'intention de l'auteur en accumulant des actes de violence qui m'ont semblé gratuits et excessifs et donc peu crédibles. J'ai refermé ce livre qui aborde un thème de société actuel et intéressant avec une impression très mitigée.

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  2. Je comprends totalement cette impression... J'étais assez partagée en refermant ce livre, et mon post aurait probablement eu un autre ton si je l'avais rédigé immédiatement. Mais, après quelques jours, les éléments positifs (le questionnement ouvert, la critique qui pointe sans cesse, l'anti-politiquement correct...) l'ont emporté face au malaise. Je garde toutefois une véritable interrogation quant au positionnement de l'auteur, interrogation perturbante... comme "Le Diner".

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