samedi 20 août 2011

C'est moi qui éteins les lumières - Zoyâ Pirzâd


C'est moi qui éteins les lumières est le premier roman (étrangement, traduit que maintenant en français) de Zoyâ Pirzâd, nouvelliste (Le goût âpre des kakis, Comme tous les après-midi, Un jour avant Pâques) et romancière (On s’y fera) iranienne. Ses livres provoquent chez moi des impressions mitigées : bien que très plaisante, leur lecture ne me convainc jamais totalement. Certes les textes sont pleins de finesse, les personnages contrastés et intéressants, les situations tantôt cocasses tantôt ardues, mais il manque un je-ne-sais-quoi à l’ensemble – une posture plus engagée ? des chutes plus tranchées ? davantage d’atypique ? Manque de profondeur ou limites qu’il faut s’imposer en Iran ? Je ne sais trop. Mais, quoi qu’il en soit, je suis toujours curieuse de lire les ouvrages de Zoyâ Pirzâd.

« C'est moi qui éteins les lumières ? » est la traditionnelle question que Clarisse et son mari Artosh se posent chaque soir. Clarisse mène une vie tranquille et ordonnée à Abadan : femme au foyer, ses journées sont rythmées par la préparation des repas, le goûter de ses trois enfants (les deux petites jumelles Arsineh et Armineh, leur frère adolescent Armen), le ménage bien réglé, et les visites quasi quotidiennes de sa mère et de sa sœur Alice, à la recherche d’un bon parti.
Son équilibre est perturbé quand emménagent de nouveaux voisins venus de Téhéran, les Simonian : la jeune Emilie apparemment si effacée, son père Emile, poète dans l’âme mais ingénieur comme tous les hommes de ce quartier réservé à la Société du pétrole , la vieille et minuscule Mme Simonian qui mène ces deux générations à la baguette…

Emilie est immédiatement adoptée par les jumelles comme nouvelle camarade de jeu, mais elle est bien moins sage qu’il n’y paraît et ferait faire n’importe quoi à Armen qu’elle a subjugué.
Quant à Mme Simonian, cette grande dame arménienne à la fortune lointaine, est insaisissable : autoritaire et pédante le plus souvent, elle est capable d’être douce et se confie même à Clarisse qu’elle a pris en affection – son grand amour contrarié, les difficultés avec son mari, son fils si lunaire et rêveur…
Et c’est vrai qu’Emile est à part : éminemment doux, passionné de littérature, avide d’échanges, attentionné, inconscient… il fait vaciller Clarisse dans ses certitudes et ses habitudes.
Tandis que la vie continue (Alice rencontre enfin quelqu’un, Armen grandit, etc.), Clarisse se surprend elle-même, s’interroge – sur son quotidien si monotone, sa paradoxale solitude, le manque de véritables échanges avec son mari, son appartenance à la communauté arménienne et les devoirs qui en découlent, son absence d’engagement politique… la vacuité de son existence, en résumé.

Comme à son habitude, Zoyâ Pirzâd dépeint ses personnages avec subtilité et traite ces nombreuses thématiques avec finesse, effleurant les choses, les évoquant, les suggérant… Et, comme d’habitude, cette discrétion passionne autant qu’elle lasse, voire exaspère.
C'est moi qui éteins les lumières n’en est pas moins un très beau roman, dans mon souvenir le premier de Zoyâ Pirzâd à se pencher autant sur la question arménienne en Iran.


C'est moi qui éteins les lumières, Zoyâ Pirzâd (Zulma, 352 pages, 2011)
Traduit du persan (Iran) par Christophe Bala



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