mardi 27 septembre 2011
Marée noire - Attica Locke
Les critiques élogieuses et la quatrième de couverture font espérer le meilleur, « l’arrivée fracassante d’un nouveau talent » comme le proclame l’éditeur. Et la comparaison avec Dennis Lehane et George Pelecanos n’est pas pour déplaire – même si, avouons-le, je n'ai jamais été emportée par Pelecanos, indubitablement un grand auteur de romans noirs, à la plume fine et aux thématiques (notamment les questions raciales) passionnantes, mais ses livres me paraissent désespérément lents, voire ennuyeux pour certains.
Avec Marée noire, Attica Locke s’attaque elle aussi aux problèmes raciaux. Nous sommes en plein sud des États-Unis, à Houston, en 1981 : Jay Porter, petit avocat noir – la couleur est ici une donnée non négligeable –, essaye tant bien que mal de faire fonctionner son petit cabinet. Affaires médiocres, clients insolvables… la tendance n’est pas bonne et le désœuvrement pointe.
Un soir qu’il organise un dîner romantique pour l’anniversaire de son épouse Bernie, un coup de feu retentit à proximité et, quelques minutes après, Jay se retrouve à sauver une jeune femme de la noyade. Apeurée, en état de choc, elle présente des traces de violences mais ne dit pas un mot. Jay la dépose devant un commissariat – et non à l’intérieur comme l’y engage Bernie : c’est que notre homme a déjà eu des démêlées avec la justice dans les années 70, alors qu’il militait pour les droits civiques (et frayait avec les plus radicaux). Ce passé activiste nous est révélé par bribes tout au long du récit, et l’on comprend peu à peu l'histoire de Jay, la paranoïa qui l’habite depuis et dicte ses gestes, ses liens surprenants avec la nouvelle maire de Houston… Qui plus est, comme il le souligne à son épouse, un Noir prendrait trop de risque à rester près d’une Blanche tout juste agressée. Les vieux schémas ont la vie dure dans le Texas des années 80.
Quand Jay découvre à la lecture du journal qu’un homme a été tué ce fameux soir dans le bayou, il entreprend de retrouver la jeune femme – de victime, devenue suspecte – et de faire la lumière sur cette affaire.
En parallèle, à la demande de son beau-père, le jeune avocat prête main-forte aux « frères » dockers syndiqués, et plus particulièrement à l’un d’eux, tabassé alors qu’il sortait d’une réunion préparant la grève. Ville portuaire en plein boom économique, Houston est totalement dépendante de son port – et de ses employés qui assurent les livraisons, chargements, etc. La maire et les grandes entreprises veulent à tout prix éviter cette grève, et certains syndiqués blancs également. Car l’union syndicale n’est que façade : valable sur le papier mais encore éloignée de la réalité où les Noirs sont moins payés, jamais promus…
Les deux histoires viennent s’imbriquer quand Jay commence à toucher du doigt un véritable complot impliquant le groupe pétrolier dominant la région. Et la Marée noire prend ici tout son sens.
Le livre est passionnant : on y parle de l’activisme des années 70, des Black Panthers, des étudiants infiltrés par le FBI, des multiples abus des autorités, de la persistance des discriminations dix ans après (que l’on pourrait parfaitement imaginer encore plus tard), des proclamations de papier sans incidence sur le réel… Passionnant donc, mais aussi insuffisamment construit et très fouillis : on s'égare dans les ramifications du récit, l’intrigue est tirée par les cheveux, on manque parfois de détails tandis qu’ils abondent plus loin. Marée noire est un roman très ambitieux, sûrement un peu trop : à vouloir dresser un tableau complet, à envisager de nombreuses problématiques (sous des angles tout aussi nombreux), Attica Locke m’a perdue en route…
En conclusion : une romancière à suivre et un texte à conseiller sans hésitation aux amateurs de George Pelecanos car, oui, la comparaison est pertinente.
Marée noire, Attica Locke (Gallimard, 450 pages, 2011)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Clément Baude
Libellés :
*Rentrée janvier 2011*,
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Littérature étrangère,
Polars
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Quelle couverture agressive... Même si ta critique semblait plutôt positive au départ, je m'arrête sur tes dernières impressions. Je ne note pas ce livre.
RépondreSupprimerJ'ai encore du mal à juger en fait: je suis positive quand je pense aux éléments de récit, très intéressants ; mais beaucoup moins quand je me remémore mes impressions de lecture... L'ensemble ne fonctionne pas totalement, en tout cas pas avec moi. Mais les qualités sont indéniables.
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