mardi 31 août 2010

Seule Venise - Claudie Gallay


Comme beaucoup, j’ai entendu parler de Claudie Gallay avec Les Déferlantes (que je compte bien lire prochainement). Mais récemment, on m’a vivement conseillé Seule Venise, roman antérieur, remarqué par la critique (moins par le public). J'ai donc voulu commencer ma découverte de l'auteur avec ce texte moins connu et je ne le regrette pas...

Une preuve, s’il en fallait, qu’une « petite » histoire peut faire un superbe roman. L’héroïne dont on ne connaîtra pas le nom, parisienne d’une quarantaine d’années, quittée récemment par son compagnon, est totalement anéantie. En plein mois de décembre, après avoir vidé son compte en banque et jeté son téléphone portable, elle décide un peu par hasard, avant tout pour fuir, de partir à Venise – vide de ses habituels touristes.
Elle y loge dans une petite pension et nous entraîne dans ses promenades à travers les ruelles humides et froides de l’hiver vénitien, les innombrables ponts et les cafés intemporels.
Les habitants de la pensione sont aussi contrastés que touchants : un vieux prince russe en fauteuil roulant retranché dans sa chambre, exilé on ne sait pourquoi dans la cité italienne ; une éblouissante danseuse de ballet en tournée et son amoureux ; Luigi, le propriétaire aux dix-huit et quelques chats, qui espère comme chaque année la venue de sa fille pour les fêtes.

Les rencontres, les lieux : tout est subtilement dépeint, sans fioritures mais toujours avec une prose mélancolique et pourtant légère. Et cette héroïne si horripilante de désespoir au départ devient peu à peu lumineuse et attachante ; tout comme ses échanges avec l’orginal et mystérieux libraire.
À mon sens, la complicité qui se noue avec le prince est l’élément le plus beau et le plus riche de ce texte : les interrogations que cela suscite sur l’Histoire (la révolution russe, la fuite des riches blancs et leurs agissements, la Shoah…) et sur le sens même de l’amour et de la vie. Sujets d’une banalité si évidente mais traités avec beaucoup de finesse.

Ce texte m’a fait l’effet d’un bijou : dense mais limpide, poétique mais intensément réel et joliment ciselé d’une très belle écriture. Une douceur mélancolique à conseiller.


Seule Venise, Claudie Gallay (Le Rouergue, 304 pages, 2004 / Babel, 304 pages, 2006)

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