lundi 8 novembre 2010

Savoir perdre - David Trueba


De belles critiques, une couverture énigmatique, un titre plein de sens : j'avais hâte de découvrir cet opus de la rentrée 2010. Savoir perdre fait partie de ces romans qu’on continue à lire en marchant et qu'on aimerait encore plus long pour repousser le moment de le terminer…
Quatre protagonistes, quatre perspectives, se croisent et tissent ce récit à plusieurs voix.

Sylvia est une adolescente comme tant d’autres : complexée, empêtrée dans ses envies – tantôt enfantines, tantôt si mâtures –, elle cherche sa place… Au milieu de ses parents qui viennent de divorcer, auprès de son père chez qui elle est restée vivre par loyauté, avec son amie Mai si « libérée » et égocentrique, dans les bras réconfortants de sa grand-mère Aurora, ou dans ceux de premiers flirts maladroits… Elle a seize ans, les malaises et les bonheurs de son âge, et voudrait grandir plus vite – trop vite très certainement – pour s’abstraire de cet univers étriqué.

Lorenzo, le père, récemment quitté par son épouse Pilar – lassée de la monotonie de leur couple, de la fadeur et du manque d'envies de son mari – tente de se remettre en selle. Ruiné par son associé et soi-disant ami Paco, il cherche désespérément un emploi et finit par se lancer dans un partenariat hasardeux avec Wilson, un Équatorien ingénieux fraîchement émigré. Lorenzo est tout autant démuni dans sa vie personnelle – le néant depuis la séparation – et comble ses manques en se touchant avec une vieille poupée Barbie…! Il met tous ses espoirs dans sa rencontre avec Daniela, jeune sans papier gardant le bébé des voisins, et refuse de voir leurs profondes différences.

Quant à Leandro, le père de Lorenzo, professeur de piano à la retraite, il disjoncte quand sa femme adorée, Aurora, tombe dans la baignoire et se retrouve à l’hôpital. Lui qui n’a jamais trompé son épouse, se retrouve dans une maison de passes et s’entiche follement d’une jeune prostituée – même pas agréable. Il tente vainement de se raisonner mais dilapide leurs économies dans ces visites tariffées au goût amer. Comme s'il cherchait à rattraper leur jeunesse perdue et à oublier la santé déclinante d'Aurora.

Et enfin, Ariel, jeune footballeur argentin, débarque en Espagne après avoir été acheté une fortune par un club madrilène. Sans sa famille, ses amis, ni son entraîneur de toujours, il est perdu dans ce nouvel univers, et l’hostilité des supporters ne l’aide pas se sentir plus à l’aise. Loin du stéréotype du sportif décérébré, sa nouvelle vie de paillettes et d’artifices ne lui suffit pas.

David Trueba nous offre des profils très différents, petites gens et célébrités, expatriés et locaux, jeunes et vieux. Ces histoires en apparence très banales peignent en réalité des portraits subtils et lucides : les espoirs de chacun, les arrangements avec la réalité, les bassesses et les failles, mais aussi les moments de félicité… Et surtout, ce que l’on cache, aux autres et à soi-même.
La quatrième de couverture nous explicite le titre dès les premières lignes : tous « vont tour à tour éprouver le désir de gagner et la douleur de perdre ». On imagine alors un roman pessimiste et sombre, mais il n’en est rien car, étrangement, une vague d’optimisme se dégage de cette lecture, l’idée que beaucoup de choses sont faisables au final et qu’il est possible de se remettre de tout…

La structure en roman choral, le rythme soutenu du récit et son caractère éminemment visuel viennent nous rappeler que l’auteur est aussi scénariste et réalisateur. Et c’est tant mieux car on ne s’ennuie pas un seul instant. Et le propos ne perd pas pour autant en épaisseur : le regard sur notre société est acéré, les réflexions sous-jacentes sont fines.

Sans hésiter, un de mes plus grands plaisirs de lecture en cette rentrée littéraire 2010. À découvrir absolument !


Savoir perdre, David Trueba (Flammarion, 448 pages, 2010)
Traduit de l'espagnol (Espagne) par Anne Plantagenet


2 commentaires:

  1. Salut Lily! encore un livre incroyable que tu me fais découvrir !!!! Un immense merci! Je n'arrive pas a le lâcher!!! On en veut encore plein et longue vie au blog de Lily!!! Bisous

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  2. Contente que ça t'ait plu!! Et merci pour les encouragements :)

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