jeudi 4 novembre 2010

Un autre amour - Kate O’Riordan


J’ai adoré Le garçon dans la lune, grand succès critique et librairie en 2008. C’est donc avec empressement que je me suis plongée dans Un autre amour qui vient de paraître (mais publié en 2005 au Royaume-Uni).
De la même façon, il s’agit d’un portrait subtil de femme, où tout – les personnages, les situations, les enjeux – semble assez simple au début, pour se densifier et se compliquer au fil du texte.

Connie Wilson rentre seule d’un week-end passé à Rome avec son mari, Matt. Pour leurs trois fils, pour le cabinet dentiste de son époux, et pour Mary – l’amie de vingt ans qui s’est fondue dans leur clan et semble parfois vivre par procuration –, elle invente des excuses de moins en moins crédibles à mesure que l’absence de Matt se prolonge. Tombé « par hasard » sur son grand amour de jeunesse, Greta, en détresse totale, il a en fait décidé de rester à Rome pour tenter de l’aider. Le couple Wilson, en théorie harmonieux et heureux, est ébranlé et Connie totalement désemparée dans leur maison londonienne.

En alternant les points de vue de Connie, Matt et Mary, Kate O'Riordan complexifie progressivement cette apparemment banale histoire d’adultère et les rôles de chacun.
Connie n’est pas simplement l’épouse délaissée, elle est aussi la jeune adolescente qui observait et photographiait le couple fascinant de Greta et Matt, et enviait terriblement la superbe fille aux « jeans américains ». Si Connie a toujours rêvé de Matt, lui ne l’a vraiment « vue » qu’après le départ soudain et inexpliqué de sa petite amie. Et, vingt ans après, tomber sur cette femme qu’il n’a peut-être jamais cessé d’aimer, l’incarnation-même de la vie qu’il aurait pu vivre, le fait vaciller dans tout son être – homme droit, bon, époux et père aimant.
Quant à Greta, elle n’est pas qu’une mangeuse d’hommes : mère éplorée et pétrie de culpabilité après le décès de son petit garçon, elle se débat dans un désespoir abyssal, ne cédant pas à la tentation du suicide uniquement par égard pour sa fille. Elle jette un regard froid sur la vie qu’elle a menée, sans grand intérêt au final, et s’efforce par tous les moyens ne pas devenir la maîtresse pour être enfin « une femme bien »…
Au milieu de tout cela, les trois garçons si différents – et Mary qui fait comme partie de la famille – comprennent que des événements qui les dépassent se nouent, et chacun joue sa part dans cet essai pour maintenir le cocon familial.

Le roman se déploie au fil des pages : les sentiments sont davantage imbriqués, les protagonistes de plus en plus perdus, voire désespérés, et le lecteur censeur au départ se met à les comprendre tour à tour. Il a quelque chose qu’on pourrait qualifier de thriller sentimental dans ce roman : on attend avec angoisse le dénouement, qui ne pourra qu’être malheureux, au moins pour une partie des protagonistes. Et pourtant…

Impressionnant à bien des niveaux – psychologie des personnages, construction narrative –, Un autre amour m’est apparu néanmoins quelque peu faible : peut-être parce que Le garçon dans la lune m’a laissé un souvenir magistral qui souffre difficilement la comparaison, peut-être aussi car l’idée du grand amour qui a tout d’une fatalité me déplaît assez…
Une très belle lecture quoi qu'il en soit.


Un autre amour, Kate O’Riordan (Joëlle Losfeld, 288 pages, 2010)
Traduit de l'anglais (Irlande) par Florence Lévy-Paolini


De Kate O'Riordan, voir aussi sur le blog : Pierres de mémoire

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