mardi 29 mars 2011
Bienvenue au club & Le Cercle fermé - Jonathan Coe
Après l’excellent Testament à l’anglaise, je poursuis ma redécouverte de Jonathan Coe avec ces deux romans, qui reprennent les mêmes personnages – et l’Angleterre – à vingt ans d’écart. Lus une première fois à leur parution, le premier m’avait laissé un très bon souvenir, le second moins.. Et preuve que le lecteur évolue, l’impression est exactement inverse aujourd’hui !
Au début de Bienvenue au club, les retrouvailles fortuites de connaissances de lycée sont le prétexte pour évoquer le « Club Trotter » (titre anglais original et jeu de mots utilisés par deux des protagonistes, frère et sœur, pour se désigner) et son entourage.
Retour vingt ans plus tôt, dans l’Angleterre de années soixante-dix, ses batailles syndicales, ses luttes partisanes, le rock et le punk, mais aussi l’IRA et les attentats, les crispations racistes…
Jonathan Coe entreprend ici une peinture de la société britannique, d’une certaine moyenne classe, coincée dans la triste Birmingham bientôt conservatrice, à travers la vie de trois adolescents – Doug, Benjamin et Philip –, de leurs familles, copains, ennemis et autres rencontres plus épisodiques. (Petit bémol, on finit d’ailleurs par se perdre un peu dans cette galerie de personnages.)
Les espoirs, les désillusions, les chagrins et les petites réussites : tout y est. Et peut-être même trop. Car on aurait préféré que Coe développe un peu moins les rêves, anecdotes et déboires typiques de cet âge – qui empêtrent parfois le roman dans une déconcertante naïveté, voire une certaine niaiserie. Cette perspective adolescente rend parfois le texte un peu tiède, pas aussi mordant et satirique qu’on le voudrait.
Bienvenue au club n'en est pas moins un intéressant instantané de cette décennie, avec ses enjeux sociaux, ses référents culturels, ses problèmes politiques et ses mentalités, et un roman bouillonnant de vie.
Vingt ans après, que sont devenus tous ces jeunes ? Leurs idéaux et leurs rêves ont-ils résisté à l’âge et aux années quatre-vingts et quatre-vingt-dix ?
Dans Le Cercle fermé, c’est cette fois un tableau acerbe de l’Angleterre de Tony Blair que nous propose Jonathan Coe. Il y en a malheureusement autant à dire contre la fameuse « troisième voie » que contre le thatchérisme : l’opportunisme est toujours de mise, la guerre aux Malouines a laissé la place à la première puis à la deuxième intervention en Irak…
Si, à la relecture des deux romans, Le Cercle fermé m’a paru plus critique et plus intéressant que Bienvenue au club, c’est que j’ai moi aussi grandi, que je connais mieux la période pour l’avoir vécue enfant. Mais, objectivement, c’est également car les adolescents de Birmingham sont devenus adultes, qu’ils ont mûri, et qu’eux-mêmes ont un regard plus lucide, parfois désabusé, souvent cynique.
Finies les excuses de la jeunesse : on peut ici enfin détester Paul, si antipathique même petit, ou être horripilé par la mollesse de Benjamin !
Les ficelles narratives sont peut-être grossières et on flirte avec le rocambolesque mais il s’agit au final d’un élément supplémentaire de ressort comique. Et l’humour so british l’emporte !
En résumé, la plume vive et intelligente de Jonathan Coe fait de Bienvenue au club et du Cercle fermé deux romans intéressants et extrêmement agréables à lire, tantôt teintés de nostalgie, tantôt critiques intraitables. Comme les deux versants d’une même pièce, le portrait en deux temps d’une classe dirigeante hypocrite et d’une société anglaise changeante.
Bienvenue au club, Jonathan Coe (Gallimard, 544 pages, 2003 / Folio, 544 pages, 2004)
Le Cercle fermé, Jonathan Coe (Gallimard, 544 pages, 2006 / Folio, 560 pages, 2007)
Traduits de l’anglais par Jamila et Serge Chauvin
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