lundi 7 mars 2011

Les leçons du Mal - Thomas H. Cook


J’ai le plaisir d’être membre du jury pour le prix Seuil Policiers : premier livre de la sélection, Les leçons du Mal
Thomas H. Cook a beau être « l’un des plus grands auteurs de sa génération » (dixit la quatrième de couverture), et j’ai beau être friande de polars, je n’avais encore jamais lu aucun de ses romans. Et je dois dire que l’essai fut très concluant !

Jack Branch est le dernier héritier d’une famille de notables si typique du Sud des États-Unis : « typique » parce que pétrie de traditions séculaires et confortablement installée dans une des nombreuses maisons de maîtres de la région ; moins typique parce que Jack, comme son père, s’est dédié à l’enseignement de la littérature dans un lycée des Ponts – le quartier défavorisé de Lakeland – et qu'il ne partage pas les préjugés de classe de ses semblables.
De l’autre côté, Eddie Miller, un adolescent effacé qui tente de se faire oublier, et surtout de faire oublier sa terrible ascendance : son père, le « tueur de l’étudiante », qui traumatisa les alentours quinze ans plus tôt. Mort en prison avant d’être jugé, il est depuis l’image même du mal dans cette petite ville du Mississipi.
Le mal, c’est justement le sujet du cours optionnel que Jack dispense au lycée. Divers événements (ici, en dévoiler davantage serait trop en dire !) attirent son attention sur Eddie, qu’il prend peu à peu sous son aile. Dans le cadre du devoir de fin d’année, les élèves doivent écrire sur un individu personnalisant le mal à leurs yeux. Jack suggère à Eddie de se pencher sur l’histoire de ce père si écrasant – dans l'espoir de le libérer de ce fardeau et de lui permettre d'envisager un avenir « normal ». Il tente du mieux possible de l’épauler dans ses recherches et commence à s’attacher à ce jeune homme si surprenant.

En parallèle, Jack évolue dans ses relations personnelles – amoureuses, familiales – et on mesure peu à peu que l'histoire quelque peu tourmentée que traînent les Branch. À ce sujet, j’aurais un petit bémol : à force d’allusions, de demi-explications, Thomas H. Cook finit par frustrer son lecteur qui aimerait en savoir plus, et surtout en comprendre plus.

Le narrateur est un Jack à la retraite, usé, des années après : les allers-retours temporels selon un rythme parfois saccadé nous égarent légèrement au départ, mais rapidement, en laissant entrevoir une issue tragique, ils instaurent une tension qui constitue la véritable trame du récit. Car en effet, ce n’est pas tant un coupable que le lecteur cherche mais un dénouement.
Les amateurs de thriller pur et dur seront donc peut-être déçus : pas de suspense haletant, d’enquête au sens classique du terme ou d’intrigue formidablement ficelée… Mais un roman noir brillant, finement écrit, où la culture et la psychologie sont fondamentales.

Les leçons du Mal m’ont souvent fait penser aux livres de Pat Conroy : pour l’univers dépeint bien entendu, le Sud, si riche en tensions – raciales, familiales, politiques, sociales… –, mais aussi pour l’écriture (et c’est un compliment pour moi, cf Le prince des marées) qui mêle ironie, érudition, pessimisme et même un certain goût du rocambolesque.

Les leçons du Mal furent une belle découverte dans le domaine du policier. Il ne me reste plus qu’à me plonger dans les précédents romans de Thomas H. Cook qui, je l’espère, sont du même acabit !

Merci donc à Babelio et au Seuil ! En attendant avec impatience la suite de la sélection…


Les leçons du Mal, Thomas H. Cook (Seuil, 368 pages, 2010)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Philippe Loubat-Delranc



3 commentaires:

  1. J'ai adoré "les feuilles mortes" par contre je n'ai pas adhéré aux "liens du sang" comme quoi un livre ne fait pas l'autre ! Mais ta critique me donne envie de lire celui-ci !

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  2. J'espère que tu ne seras pas déçue !

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