mardi 4 octobre 2011

La Passerelle - Lorrie Moore


Tassie Keltjin vient d’une ferme du fin fond du Midwest. Élevée dans une famille de la classe moyenne agricole, elle n’a jamais voyagé, ne serait-ce qu’hors de l’État. C’est donc une toute nouvelle vie que découvre cette véritable « country girl » en s’installant en ville pour ses études.
Pour payer ses dépenses, elle accepte un emploi de baby-sitter chez les Brink, Sarah et Edward. Si la famille est particulière (couple apparemment atypique et décalé, rarement ensemble), la situation l’est davantage : l’enfant n’est pas encore là puisqu’il s’agit d’une chaotique procédure d’adoption – mais Sarah est déjà convaincue qu’ils auront besoin d’aide pour faire face au quotidien. Tassie se retrouve même à accompagner cette dernière lors des rencontres avec les parents biologiques, telle une figure rassurante, même quand il faut parcourir des milliers de kilomètres pour cela. Logiquement mal à l’aise de participer à cette quête, Tassie s’interroge quelque peu mais la venue, enfin, de Mary-Emma, une petite métisse de quelques mois, l’incite à rester chez les Brink.

La fillette est adorable et s’attache à sa nounou mais la situation se détériore rapidement : les parents ne s’en occupent que peu, Sarah semble totalement démunie face à Mary-Emma, Tassie est confrontée au racisme en promenant le bébé…
La Passerelle démarre donc de façon prometteuse : le décalage au sein du couple, celui avec Tassie, la découverte du « monde » de cette dernière, la difficulté pour un couple blanc de se faire accepter comme parents d’une petite Noire, etc.

Ajoutons à cela l’environnement familial de Tassie que l’on découvre peu à peu – les rapports compliqués avec ses parents, leurs problèmes personnels, sa complicité avec son frère –, ses histoires de colocation et un début de relation avec un étudiant brésilien… Un contexte enrichissant si cela s’arrêtait là, mais quand son frère part à la guerre et que le petit-ami se révèle être un terroriste islamiste, les clichés s’accumulent et le texte donne une impression de fourre-tout phénoménal. Et, lorsque l’on en apprend plus sur les Brink (là, je m’arrête pour ne pas gâcher la surprise à ceux qui voudrait lire La Passerelle), on bascule vraiment dans le n’importe quoi. Non qu’il soit fondamentalement problématique de vouloir traiter de nombreuses thématiques – on connaît de formidables exemples – mais il faut réussir à donner une réelle cohérence à l’ensemble, et Lorrie Moore n’y parvient pas véritablement selon moi.
Quant au personnage de Tassie, sa naïveté (en bonne caricature de la fille du Midwest) m’a lassée, voire irritée, et son côté « spectateur » m’a paru terriblement exaspérant.

En bref, je ne suis jamais entrée dans le roman. Et pourtant, l’écriture est vive, souvent fine, mais le récit manque de lien et, bizarrement, vu le sujet, de densité.
Je suis donc totalement passée à côté de ce roman aux critiques enthousiastes…


La Passerelle, Lorrie Moore (L’Olivier, 368 pages, 2010 / Points, 400 pages, 2011)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux

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