Quatrième livre dans le cadre de la sélection du Prix Seuil Policiers (après Les leçons du mal, Losers nés et Les Neuf Dragons). La couverture m’a fait imaginer un thriller puissant, une atmosphère angoissante… Mais, disons-le dès maintenant, je dois avoir trop d’imagination.
L’éditeur évoque « une histoire d’amour, un roman policier littéraire, et une réflexion philosophique sur le rapport réalité-fiction »… Je ne suis pas totalement emballée par le résumé mais, en revanche, j’ai très envie de découvrir un exemple de la littérature japonaise – que je connais très peu.
Tamaki Suzuki, jeune romancière en vogue, a vécu une longue liaison adultère avec son éditeur Seiji Abé. Leur rupture, très douloureuse pour tous deux, a perturbé, voire détruit, leurs foyers respectifs. Un an après, Tamaki ne s’en est toujours pas remise. Intrusion croise les souvenirs de la jeune femme et ses réflexions autour de son nouveau projet littéraire, clairement le fruit de son état affectif. Son prochain roman, Inassouvi, sera ainsi une enquête sur le grand écrivain Mikio Midorikawa et sur son best-seller, Innocent, récit autobiographique qu’il revendiquait aussi riche de fiction… Tamaki veut résoudre LE mystère d’Innocent : qui est la fameuse O., maîtresse de Midorikawa ? Ce dernier relate longuement leur relation, sa découverte par son épouse Chiyoko, le cataclysme que cela a occasionné dans leur couple… Les critiques et lecteurs ont émis de nombreuses hypothèses sur l’identité de O., sur la part de fiction, et Tamaki entend bien résoudre ce mystère.
Beaucoup de romans dans le roman donc. Et les récits s’imbriquent à n’en plus finir. Tamaki raconte par anecdotes successives sa relation avec Seiji : pourtant, cette relation passionnée, exclusive et destructrice selon ses propos ne prend jamais véritablement corps – comme si Tamaki ne parvenait pas à nous convaincre de sa force, et même de sa réalité. Le fait qu’elle évoque exclusivement cet aspect de sa vie y est probablement pour quelque chose : son mari et ses enfants n’apparaissent qu’une fois et ne paraissent pas très importants au final, les contingences de la vie quotidienne ne semblent pas avoir de prise sur elle.
Histoires d’amours et d’orgueils surtout. Et, malheureusement, beaucoup de ressassement, de répétions et de piétinement. Quant à « l’affaire O. », si on considère – en lecteur français qui y est habitué – Innocent comme de l’autofiction, il n’y a plus grand-chose à questionner et les interminables développements et interrogations philosophico-existentielles perdent tout intérêt. Enfin, l’enquête sur l’identité de O. n’est pas franchement passionnante. Là est censé être l’aspect policier du texte… mais je n’en ai vu aucun élément véritable.
Il est d’ailleurs dommage, selon moi, qu’Intrusion figure dans cette collection, car cela implique inévitablement certaines attentes chez le lecteur. Mon avis serait peut-être moins tranché si je l’avais abordé comme un roman, et non un roman policier. Car l’écriture est assez limpide et il y a de jolis passages.
Une déception donc.
Merci quand même à Babelio et au Seuil.
Intrusion, Natsuo Kirino (Seuil, 280 pages, 2011)
Traduit du japonais par Claude Martin
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