vendredi 1 juillet 2011
Crimes - Ferdinand von Schirach
Crimes est le premier ouvrage de Ferdinand von Schirach, un ténor du barreau allemand. S’inspirant de cas réels, il y injecte – ou pas ? – une dose de fiction et entend plonger dans le monstrueux que son métier d’avocat lui fait côtoyer au quotidien. Ces onze nouvelles portent chacune sur un crime, des circonstances et un suspect.
La quasi-totalité des onze récits est chargée d’empathie et les portraits sont tout en nuances : ces criminels sont rarement « ordinaires », mais plutôt « sympathiques » – très intelligents, dotés de circonstances atténuantes édifiantes, sempiternelles victimes… Telle cette jeune fille abrégeant les souffrances de son frère gravement handicapé suite à un accident, ou encore ce vieil homme finissant par assassiner son épouse acariâtre après quarante ans de calvaire journalier, l’adolescent instable psychologiquement présumé coupable quand une camarade disparaît…
D’autres histoires sont davantage teintées d’ironie voire d’humour : comme les deux voyous ayant la mauvaise idée de cambrioler Tanata, et de lui dérober une tasse centenaire, s’attirant les foudres de ce personnage intraitable au calme pourtant inébranlable.
Aspect intéressant, le narrateur n’est pas omniscient : ainsi on ne connaîtra jamais l’identité de l’homme mutique (mais raffiné) ayant implacablement mis au tapis deux petites frappes qui essayaient de l’agresser sur un quai.
La lecture est extrêmement plaisante. Néanmoins, tout du long, je ne me suis pas départie d’une certaine gêne, difficile à identifier. Est-ce à cause de l’indulgence ressentie pour ces personnages complexes, très humains, mais qui n’en ont pas moins commis un crime, parfois très violent ? Ou est-ce l’idée d’être potentiellement fasciné par ces récits, tel un voyeur adepte des faits divers, une sorte de « Pierre Bellemare littéraire » (oui, je le confesse, lors de longues vacances chez mes grands-parents, et après avoir épuisé le stock d’Agatha Christie, l’adolescente que j’étais a découvert ce monument du mauvais goût, et l’addiction malsaine qu’il pouvait déclencher !). Ou encore est-ce tout simplement de plonger dans un univers si glauque ?
Mais en définitive, le style épuré, quasi clinique, la finesse psychologique, l’absence d’artifices narratifs et de pseudo-suspense font de Crimes un véritable objet littéraire que j’ai lu d’une traite.
Un très bon roman, mais peut-être un auteur dont on attendra le second livre pour confirmer le talent – en espérant qu’il saura renouveler cette approche quelque peu « professionnelle ».
Crimes, Ferdinand von Schirach (Gallimard, 220 pages, 2011)
Traduit de l'allemand par Pierre Malherbet
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