mercredi 27 juillet 2011

La couleur des sentiments - Kathryn Stockett


Je viens un peu « après la bataille » pour ce roman – vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde, ayant remporté entre autres le Prix des lectrices de Elle en 2010. Mais ce fut un tel plaisir de lecture qu’il me fallait en parler !

D’emblée, La couleur des sentiments a reçu un chaleureux accueil critique et public – le livre s’est maintenu dans les meilleures ventes depuis sa parution en France il y a près d’un an. Curieuse d’un tel succès et attirée par la quatrième de couverture, je craignais toutefois que le sujet soit un peu éculé (les rapports entre Blancs et Noirs dans le Sud des États-Unis au début des années soixante) et, surtout, qu’il mène au mélo sirupeux. Le titre français le laissait penser d’ailleurs – le titre en VO, The Help, est plus intéressant.
Mais point du tout, Kathryn Stockett construit ce premier roman avec habileté et finesse, parvenant à dépeindre une dure réalité tout en évitant le manichéisme.

Commençons par le résumé. Nous sommes à Jackson, Mississipi, en 1962 : JFK est président, le mouvement pour les droits civiques a commencé, Rosa Parks a déjà refusé de céder sa place dans ce fameux bus, Martin Luther King va bientôt organiser sa marche sur Washington… Mais la réalité ne s’en soucie que peu : des Noires font le ménage, la cuisine, la nourrice et autres chez des Blanches ; des Noirs sont passés à tabac pour avoir utilisé des toilettes réservées aux Blancs ; le délégué local du NAACP se fait tirer dessus en pleine rue ; des enfants noirs meurent à deux pas d’un hôpital où on ne les accepte pas… Bref, les lois raciales sont encore bien là, ainsi que, le plus souvent, soumission et résignation d’un côté, et mépris et irrespect de l’autre. « C’est comme ça », « nous sommes différents » : voilà ce qu’on assène à ceux qui se posent des questions ou qui contestent – ne serait-ce qu’un tout petit peu.

Trois voix alternent tout au long de La couleur des sentiments : Aibileen, à qui des années comme bonne et la mort de son fils unique ont appris à baisser les yeux et se taire ; Minny, son amie au franc-parler si insolent, qui vient encore d’être renvoyée ; Miss Skeeter, une jeune Blanche atypique, dont la priorité n’est pas de trouver un bon parti mais d’écrire, et qui réalise peu à peu les cruelles inégalités de la société du Sud. Cette bourgeoise bon-teint entreprend alors – secrètement bien entendu – de faire parler des bonnes, dans l’espoir de faire un livre de ces histoires, un ouvrage honnête qui viendrait peut-être éveiller des consciences. Skeeter veut commencer par Aibileen, employée chez sa soi-disant amie Elizabeth, mais le projet est dangereux pour tout le monde… Et pourtant, toutes deux vont s’acharner à le mener à bien.

Trois récits qui s’imbriquent, se complètent, se poursuivent et nous offrent ainsi trois vies, et bien d’autres encore. La couleur des sentiments nous parle de racisme évidemment, mais aussi de toutes les facettes de l’être humain : mesquinerie et générosité, bêtise et finesse remarquable, rébellion discrète et obéissance, bienveillance et méchanceté tenace… Et parfois, heureusement, des histoires qui vont à l’encontre de la majorité : des histoires de réel attachement, si ce n’est d’amitié ou d’amour, entre Blancs et Noirs, maîtres et domestiques.

Kathryn Stockett parvient à écrire un roman nuancé, passionnant, édifiant, émouvant sans être niais, drôle… Un succès mérité et une formidable lecture.


La couleur des sentiments, Kathryn Stockett (Jacqueline Chambon, 528 pages, 2010)
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Girard


4 commentaires:

  1. je suis en train de la lire et j'aime beaucoup aussi !

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  2. C'est rare mais j'ai l'impression que ce roman fait l'unanimité! En tout cas, belle lecture à toi :)

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  3. Je l'ai ENFIN lu! Je ne l'ai pas lâché. Il est top

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  4. N'est-ce pas... Un succès mérité, comme on dit!

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