vendredi 22 juillet 2011

La Fête du siècle - Niccolò Ammaniti


Comme j’ai déjà pu l’écrire ici, j’aime beaucoup les romans de Niccolò Ammaniti : toutefois Comme Dieu le veut m’avait un peu moins enthousiasmé que les précédents, et la quatrième de couverture de La Fête du siècle me faisait redouter le pire. Au final, une impression très étrange : entre scepticisme et déception, tout en reconnaissant d’indéniables qualités au projet critique et satirique de La Fête du siècle.

J’étais plus que dubitative à la lecture des premières pages mettant en scène Mantos, la trentaine avancée, looser fini, leader des Enragés d’Abaddon, une ridicule secte sataniste (4 membres, lui inclus) : un moyen comme un autre pour lui d’exprimer toute la frustration accumulée, dans sa vie privée (avec une bimbo aigrie pour épouse, aussi allumeuse que frigide), à son ennuyeux travail au magasin de meubles tyroliens de son terrible beau-père, avec ses enfants, etc.
Les chapitres suivant nous dépeignent Fabrizio Ciba, écrivain en vogue après un premier roman au succès phénoménal – mais, en vérité, plus célèbre pour son émission télé et son physique de bellâtre que pour ses écrits. En panne d’inspiration, pathologiquement égocentrique, il oscille constamment entre ses aspirations littéraires, l’envie d’écrire un grand roman social, et l’attrait de la facilité – dans tous les domaines.

Ces deux opposés constituent les « axes » narratifs du roman et, autour d’eux, défilent des personnages plus cocasses les uns que les autres : un chirurgien esthétique à moitié camé dont le métier n’est qu’une machine à billets ; une actrice sublime mais stupide, qui court les plateaux télé et autres reality shows ; une chanteuse pop, ancienne égérie de hard rock reconvertie dans la mièvrerie et l’humanitaire ; des éditeurs retors pour qui seul le profit signifie quelque chose ; un prix Nobel égaré dans un monde de brutes… Et un milliardaire parti de rien cherchant à faire oublier son image de parvenu : il décide ainsi d’organiser La Fête du siècle. Une soirée VIP monumentale dont le thème sera le safari : apéritif sous la tente (mais quelle tente !), chasse aux lions et autres curiosités dans un ancien parc romain acheté et aménagé pour l’occasion, concert de la fameuse pop star du moment, spaghetti party de luxe, festival pyrotechnique et tutti quanti !

Ammaniti multiple les personnages ridicules – en définitive, pas si outrés que cela, par rapport à ce que notre société offre aujourd’hui. Le romancier choisit le grotesque pour dénoncer les excès et les absurdités de notre époque, et plus particulièrement de la société italienne contemporaine : le règne de la superficialité et de l’apparence, la vulgarité qui s’infiltre partout, l’argent roi, l’hypocrisie et le paraître, la corruption, etc.
Mais, à trop vouloir prolonger son propos, il fait basculer le récit dans un absurde assez ridicule ; les derniers chapitres deviennent du grand n’importe quoi, perdant de vue le sens et l’objectif critique de La Fête du siècle, jusqu’à un final apocalyptique risible.
C’est dommage, car, avec son style habituel, Ammaniti avait presque réussi à transformer l’essai, à faire de cette farce grotesque une comédie sociale satirique. Presque.


La Fête du siècle, Niccolò Ammaniti (Robert Laffont, 396 pages, 2011)
Traduit de l’italien par Myriem Bouzaher


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