jeudi 7 juillet 2011

La gifle - Christos Tsiolkas


Lors d’un barbecue où Hector et Aisha réunissent leurs proches, le cousin d’Hector, Harry, exaspéré, gifle le petit Hugo, fils d’un couple d’amis – Gary et Rosie. Et « là, c’est le drame » : Rosie fait un scandale, appelle la police, porte plainte… Chacun prend partie et la petite fête tourne rapidement vinaigre.
Le début du roman, son titre bien entendu et la quatrième de couverture me faisaient redouter que le récit soit totalement centré autour de la fameuse gifle ; mais heureusement ce n’est pas le cas. Il s’agit davantage d’un fil conducteur, d’un liant, mais pas du cœur de ce très bon roman choral.

Tout en suivant l’évolution de cette « terrible » affaire, La gifle s’attarde tour à tour sur une série de personnages : Hector, le beau trentenaire d’origine grecque ; Aisha, sa sublime épouse d’origine indienne, mère de leurs deux enfants, avec qui la relation est tendue ; Connie, adolescente mal dans sa peau (un euphémisme ?), débarquée d’Angleterre depuis la mort de son père, tiraillée entre son attirance pour Hector et son amitié pour Aisha ; Anouk, la flamboyante scénariste amie d’Aisha, femme libérée mais si seule ; Harry, le coléreux cousin, nouveau riche beauf, qui navigue allègrement entre sa femme et sa maîtresse ; Rosie, l’autre amie de toujours d’Aisha, jeune fille perdue devenue néo-hippie exaspérante – entre autres perles, elle allaite toujours Hugo, six ans… ; son mari, Gary, artiste provocateur par le passé mais aujourd’hui triste alcoolique soumis à sa femme ; Manolis et Koula, les parents d’Hector, vieux réacs se prenant le bec constamment – mais si touchants quand ils se souviennent de leur jeunesse et de leurs premières années en Australie ; Richie, le meilleur ami de Connie qui découvre son homosexualité pendant cette dernière année de lycée…

Christos Tsiolkas propose une très riche galerie de portraits, des individualités tranchées, finement dépeintes même lorsqu’on frôle la caricature. Le romancier fait preuve ici d’un joli talent en parvenant à adopter dans chaque chapitre le point de vue du personnage phare : on se surprend à mieux comprendre chacun successivement, voire à abonder dans son sens, à compatir avec celui qui vient de nous irriter, à plaindre le mari trompeur mais au final trompé…
Cette satanée gifle ennuie quand même un peu – les disputes sans fin sur porter ou pas la main sur un enfant sont lassantes et saugrenues vu la situation –, mais il s’agit de montrer la variété d'avis en ce domaine et, pour sûr, de donner un aperçu de certaines dérives.

En variant l’âge, le sexe, l’origine – aspect ici très important –, la classe sociale, Christos Tsiolkas offre le kaléidoscope d’une Australie composite et des personnages globalement attachants. Il parvient ainsi à évoquer des thématiques à la fois individuelles – la confiance en soi, le mal-être, les choix personnels compliqués, etc. – et sociétales – le racisme, la place de la religion, la question de l’intégration, les difficultés économiques, la judiciarisation, etc.
En définitive, La gifle est tout autant un page turner qu’un roman passionnant.



La gifle, Christos Tsiolkas (Belfond, 480 pages, 2011)
Traduit de l'anglais (Australie) par Jean-Luc Piningre


2 commentaires:

  1. Superbe, j'ai vraiment adoré!!! Le genre de livre qu'on n'a pas envie de refermer... merci Lily pour tes super conseils!!! Armelle

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